En matière de santé aussi, le sexisme tue? Par Chantal Petit

21/02/2023

Y a-t-il une différence de traitement selon que votre chirurgien soit un homme ou une femme ? Si vous êtes une patiente, la réponse est malheureusement positive.

Des statistiques alarmantes publiées en décembre 2021, dans la revue médicale du Journal of the American Medical Association démontre un éventuel sexisme inattendu aux conséquences gravissimes fondé sur l'analyse d'1,3 million d'opérations chirurgicales impliquant 3.000 chirurgiens dans la province de l'Ontario (Canada) entre 2007 et 2019.

Pour chacune des interventions recensées, le sexe du patient et celui du professionnel de santé ont été pris en compte, ainsi que les suites observées après le passage au bloc opératoire (décès, réadmission à l'hôpital et complications dans les 30 jours suivant l'intervention).

D'après l'étude, les femmes opérées par un chirurgien de sexe masculin ont 32% de risques supplémentaires de mourir que les hommes opérés par un chirurgien. Les patientes sont 16% plus susceptibles que les hommes de souffrir de complications postopératoires lorsque leur chirurgien est de sexe masculin.

« Au niveau macro, les résultats sont troublants » affirme la docteure Angela Jerath, co-auteur de l'étude. « Lorsqu'une chirurgienne opère, les résultats pour les patients sont généralement meilleurs, en particulier pour les femmes, même après ajustement pour tenir compte des différences dans l'état de santé chronique, l'âge et d'autres facteurs, lors des mêmes interventions ».

Elle met en évidence des données précises. Lors de chirurgies du cerveau ou de chirurgies vasculaires, 1,2% des femmes opérées par un chirurgien décèdent, contre 0,9% quand c'est une chirurgienne. Même constat pour les chirurgies cardiothoraciques : 1,4% des patientes meurent entre les mains d'un chirurgien, contre en moyenne 1% pour les patientes passant sous le bistouri d'une chirurgienne.

Des préjugés sexistes, des stéréotypes...

Comment expliquer ce déséquilibre menaçant pour les femmes hospitalisées ? Y aurait-il des techniques opératoires différentes entre chirurgiens et chirurgiennes ? C'est peu probable selon Angela Jerath puisque « les deux sexes suivent exactement les mêmes formations médicales ».

Le problème serait donc ailleurs, et elle privilégie deux facteurs explicatifs. Une première hypothèse concerne les différences de traitement qui pourraient découler des « préjugés sexistes implicites » profondément enracinés dans l'imaginaire collectif, qui pousseraient les chirurgiens hommes à différencier leur prise en charge selon le sexe de leur patient.La seconde hypothèse cible les compétences relationnelles des femmes différentes de celles des hommes, en particulier au moment de l'échange (crucial) entre le chirurgien ou la chirurgienne et sa patiente dans les échanges préopératoires.

Face à une femme, le chirurgien se montre-t-il moins à l'écoute ? Son diagnostic est-il biaisé par les stéréotypes de genre ? Ses conseils sont-ils différents de ceux qu'il donnerait à un homme ? Ou à l'inverse, les patientes se sentent-elles plus en confiance avec une femme médecin, et osent donc parler plus librement de leurs symptômes et de leurs craintes, sans chercher à les minimiser ?

Hier midi, une amie me racontait entre l'apéro et l'entrée, que son chirurgien lui avait dit, lors d'une visite de suivi postopératoire de l'ablation d'une glande salivaire, - Mais que vous êtes douillette ! Surprise par le propos elle s'est retrouvée sans mots pour lui répondre. Elle savait que ce n'était pas le cas... elle n'a donc pas eu d'explication, ni de remédiation concernant une zone de la mâchoire restant douloureuse.

Non mais... il n'y a vraiment que des médecins « machos » pour croire que les hommes sont moins douillets que les femmes ! Notre expérience, à nous les femmes, les concernant est tout le contraire. Dès que leur thermomètre annonce 38,5°, ils appellent leur mère ou décident déjà de la couleur de leur cercueil !

Comme nous connaissons la sous-représentation des femmes dans le domaine de la chirurgie, nous avons pris la décision, avant le dessert et dans un grand fou-rire de protection, de photocopier l'article de référence et de le donner à lire, devant nous, à notre « futur » chirurgien, si nous n'avons pas la possibilité de choisir une chirurgienne.

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