Les trains de Franco, échanges avec Chantal Petit

08/02/2023

Ma passion pour les trains a toujours existé. Enfants, nous habitions avec mes parents à 3 km à vol d'oiseau de la ligne de chemin de fer que je ne voyais pas. (lire la suite : cliquez sur le titre)


Je connaissais les horaires du train Rome-Naples et dès que j'entendais le « tchouf, tchouf » je courais, tous les après-midi quand je rentrais de l'école primaire, derrière la maison de "Rocca d'Evandro en Campanie", pour regarder au loin les panaches de fumée dépasser de la cime des arbres.

Il y avait aussi des trains de marchandise, mais c'était plus irrégulier parce qu'ils empruntaient principalement la

voie ferrée de la côte.

Puis fondant une famille avec toutes les responsabilités que cela représente, cette passion d'enfance est passée aux oubliettes.

Je suis arrivé en Belgique en train sur un coup de tête... cela fait 44 ans. En 1978 Je revenais de Libye où je travaillais depuis septembre 1977 à 600 km de Bengazi, en plein désert, sur un chantier de puits de pétrole éloigné de plus de 200 km du premier village. Rentrant de Rome à la recherche d'un emploi, sur les panneaux horaires de la gare s'affichaient deux trains... l'un pour chez moi vers Caserte et le suivant, pour Bruxelles. Je suis monté dans un wagon pour la Belgique. J'y ai retrouvé un beau-frère. Je traversais une période difficile sur le plan personnel. Je me cherchais moi-même.

J'ai été rapidement engagé, grâce à un cousin, dans une entreprise qui construisait une écluse sur le canal Albert du côté de Visé. Je me suis dit que je ne reviendrais probablement jamais en arrière. Je quittais Bruxelles tôt chaque lundi matin en voiture avec un Belge qui n'a jamais voulu un sou, et nous rentrions le vendredi soir. Nous étions bien logés la semaine dans des baraquements de survie avec chauffage et électricité. J'ai fait des économies et j'ai acheté une voiture. L'entreprise a fait faillite et j'ai changé d'emploi, comme je l'ai fait lors de changements suivants, conditionnés soit par les fluctuations du contexte économique ou par mes propres choix. Aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours travaillé. J'ai commencé enfant et adolescent avec mes parents dans leur champ et le petit commerce. A 15 ans j'ai quitté l'école et travaillé dans un bureau d'assurances près de Cassino. Après le service militaire, dans une industrie métallurgique fabriquant des boîtes de conserve. Ensuite, en Lybie.

Échangeant avec un ami français sur nos besoins de loisirs, il m'a confié qu'il avait construit une maquette de chemin de fer, sur laquelle il passait à l'occasion de bons moments. Toutes les images de mon enfance se sont bousculées dans ma tête. J'étais ému. J'ai recherché un club de passionnés des trains et je me suis inscrit. Je me suis documenté, j'ai trouvé des sources historiques, visité des musées, des expositions sur l'évolution des moyens de transport en général : l'invention par des humains de la brouette, de la charrette, la domestication des ani- maux comme le cheval, les bœufs et autres animaux permettant de transporter de quoi se nourrir, de déplacer des équipements lourds ou des mar- chandises à vendre, de mener ou ramener du marché ce que les bras et les épaules d'un homme ou d'une femme ne peuvent porter en une seule fois...

J'ai remonté le temps et découvert que, dès 1760, le jésuite belge Ferdinand Verbiest avait construit une automobile à vapeur pour un empereur chinois. Cette vapeur qui flottait au-dessus des arbres des paysages ensoleillés de mon enfance... Ce train de l'espoir et de l'introspection que j'ai pris pour Bruxelles n'aurait pu exister sans le Français Joseph Cugnot qui créa en 1769 la fameuse « Fardier à vapeur » mise au service de l'armée pour les transports les plus lourds, sans connaître pour autant une véritable réussite... Il tomba dans l'oubli. Richard Trevithick, anglais et ingénieur des mines reprenant l'idée de Cougnot construisait en 1804 une machine roulant sur rail. Elle pouvait déjà tirer 10 tonnes, à la vénérable vitesse de 8 km/ heure.

Je me suis trouvé un attachement tout particulier envers George Stephenson, lui aussi britannique, qui était à l'origine analphabète puisqu'il n'apprit à lire et à écrire qu'à l'âge de 18 ans. L'école à l'époque était réservée aux enfants d'une élite, dont il ne faisait probablement pas partie. (Moi-même, arrivant d'Italie, je ne connaissais pas un mot de français et ne pouvais ni le parler, ni l'écrire.) Et malgré cela, en 1814 Stevenson étudia la mécanique pour ensuite, avec l'aide de son fils, reprendre des études sur la vapeur et ses fonctions. Ils construiront en 1817 un premier prototype de locomotive avec chaudière horizontale permettant de tracter aisément quelques dizaines de tonnes de marchandises.

En 1825, ses ateliers produiront une nouvelle machine à vapeur à la tête d'un train de marchandise roulant a 30 km/h. sur la première ligne reliant Stockton à Darlington en Angleterre. Pour fêter l'événement, un wagon, dans lequel a pris place un « band » musical et quelques passagers triés sur le volet, fut attelé derrière la loco- motive. Ainsi naquit le premier train de voyageurs.

C'est en 1829 que George Stephenson produit « The rocket ». « La fusée » est exclusivement réservée au transport de voyageurs sur la nouvelle ligne ferroviaire reliant Liverpool à Manchester. C'est une réussite, sous sa supervision en tant que chef de projet ayant étudié et résolu d'innombrables difficultés techniques liées à la construction du tracé, des ponts, des montées et descentes, etc.

En 1835, la Belgique, mon pays d'adoption, sera le premier pays du continent européen à se doter d'une ligne de chemin de fer entre Bruxelles et Malines. Et depuis, si les paysages avaient des oreilles, ils auraient pu entendre entre 1946 et 1948 les bands de 75.000 italiens décidés mais inquiets, se donnant du courage pour affronter l'avenir inconnu de leurs exils économiques, dans les trains contractuels qui les menaient vers les bassins miniers de Wallonie et de Flandre.

Moi, depuis 1986, de cours du soir en cours du soir et de week-end, j'ai développé mes compétences dans différents secteurs d'activité. D'heures « sup », en heures « sup », j'ai acheté mon premier train électrique avec une locomotive Lima italienne et 3 ou 4 wagons de marchandises comme cadeau à mettre sous le sapin de Noël pour mon fils qui devait avoir 8 ou 10 ans. Mais c'est au début des années 2000 que je suis véritablement « retombé dedans » en achetant mon appartement à Ixelles. Avec davantage de place, plus de possibilités.

J'ai démarré avec deux boîtes de modélisme ferroviaire. Il y avait l'ICE allemande (TGV) et la Mikado à vapeur de l'Union Pacific américaine. Depuis, la collection s'est étoffée. Maintenant mon réseau ferroviaire miniature ixellois s'étale sur 2,40 x 1,20 mètres, et il y a trois étages de même superficie, toujours en perfectionnement.

Je suis membre d'un club « Top niveau » qui se situe à Alost et j'y vais tous les mercredis pour continuer à nourrir ma passion, retrouvant des passionnés d'électronique et des dernières technologies appliquées au modélisme ferroviaire.


Propos recueillis par Chantal Petit


Créez votre site web gratuitement ! Ce site internet a été réalisé avec Webnode. Créez le votre gratuitement aujourd'hui ! Commencer